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Grèves : un service minimum pour tous garanti et librement consenti

18 Mai 2020

La mobilité ne cesse de croître. Le transport public est un « service essentiel », indispensable pour accéder aux lieux de travail et de formation, aux services, aux commerces et aux loisirs. Il doit être reconnu comme tel par le gouvernement et le Parlement, au même titre que d’autres services publics : c’est déjà le cas, sous des formes juridiques variées, en Italie, Espagne, Portugal, Grande-Bretagne et Allemagne.

 

Les grèves dans les transports publics (urbains, routiers et ferroviaires) ont des conséquences immédiates à court et long terme.

  • Dans l’immédiat, elles pénalisent, souvent lourdement, les usagers dans leur vie professionnelle et personnelle, en particulier les plus modestes d’entre eux (ménages à faible revenus, travailleurs précaires) et tous ceux qui n’ont pas de solution alternative pour se déplacer (habitants des banlieues et des territoires ruraux, étudiants, usagers non motorisés).
  • À plus long terme, les pertes de recettes privent les exploitants de moyens pour investir et renforcer l’offre. Les perturbations du trafic incitent les voyageurs et les chargeurs à se passer du train et à se tourner durablement vers d’autres moyens de transport.

 

La FNAUT, dont la vocation est de défendre les usagers, ne se prononce pas sur les raisons qui conduisent à la grève, sauf si elles portent sur la politique des transports. Mais elle se préoccupe des conséquences, immédiates et à plus long terme, sur les usagers, voyageurs et chargeurs, et sur l’image du transport public.

 

La FNAUT respecte le droit de grève inscrit dans la Constitution de 1958 dont l’article 7 dispose que : « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le règlementent ». Le droit de grève n’est donc pas un droit absolu puisqu’il peut être réglementé.

Elle fait aussi valoir le droit à la mobilité, reconnu par la décision du 28 juillet 1987 du Conseil constitutionnel et réaffirmé dans la Loi d’Orientation des Mobilités du 24 décembre 2019. Elle s’attache à trouver un compromis entre ces deux droits.

 

La loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs (articles L. 1222-1 et suivants du code des transports relatifs à la continuité du service en cas de perturbation prévisible de trafic) a constitué un progrès : en instituant un processus de négociation, une procédure de déclaration préalable de faire grève, l’élaboration de plans de transport adaptés au nombre de grévistes après consultation des usagers par les autorités organisatrices et l’obligation d’une publication des plans de transport 24h avant le début de la grève, elle a favorisé une information des usagers leur permettant de s’organiser et de réduire leur gêne.

 

Ces dispositions ont cependant montré leurs limites.

Si les autorités organisatrices urbaines ont pour la plupart élaboré et adopté des scénarios de plans de transport, la plupart des régions ne l’ont pas fait pour les services ferroviaires, et seules certaines ont consulté les usagers. Les plans de transport sont publiés trop tardivement, seulement la veille de la grève à 17h, au mépris de la loi.

La FNAUT demande donc que la loi soit pleinement appliquée :

– élaboration des plans de transport adaptés avec consultation préalable des usagers,

– allongement des délais de déclaration préalable et de reprise du travail, après étude préliminaire si nécessaire, afin que le délai des 24h préalables pour l’information des voyageurs puisse être respecté,

– sanctions financières par l’autorité organisatrice, conformément au code des transports et aux conventions, des entreprises qui n’informent pas correctement les usagers et/ou n’effectuent pas le service annoncé.

La FNAUT souhaite aussi que les services librement organisés des secteurs ferroviaire (TGV) ou routier (cars « Macron ») puissent faire l’objet de dispositions législatives en cas de perturbation prévisible.

Les dispositions du code des transports en cas de perturbation prévisible de trafic ont aussi montré leurs limites en ne traitant pas le cas d’un conflit impliquant un nombre de grévistes élevé et, par voie de conséquence, un plan de transport inexistant ou réduit à presque rien. Ce fut le cas au début lors du dernier conflit, déclenché le 5 décembre 2019. La FNAUT souhaite donc non seulement que ces dispositions soient complétées, mais aussi que le cas des grèves très suivies et prolongées soit traité par ailleurs, de telle sorte que le service « prévisible » soit un service « minimum pour tous ».

 

Depuis l’adoption des dispositions du code des transports, la situation a évolué.

  • Depuis le 1er janvier 2020, les infrastructures ferroviaires sont gérées et opérées par SNCF Réseau, société anonyme au capital public. La contrepartie naturelle de ce monopole public est l’obligation de rendre le réseau ferré accessible, en cas de grève, à tous les opérateurs, voyageurs et fret. Cette obligation doit s’aligner sur celle des autres gestionnaires d’infrastructures, par exemple ceux des aéroports : les aiguilleurs du rail, indispensables à la libre circulation des trains, doivent avoir les mêmes obligations que les aiguilleurs du ciel.
  • Dans le secteur urbain, si les transports des métropoles de province n’ont pas été trop affectés par le conflit récent, les services ont été supprimés sur la quasi-totalité des lignes non automatisées du métro parisien.
  • Dans le secteur ferroviaire, une grande disparité est apparue entre l’Ile-de-France et les autres régions françaises, entre les lignes ferroviaires situées dans les régions denses et dans celles qui le sont le moins : les moyens disponibles ont été concentrés sur les premières, les plus fréquentées, alors qu’une quasi-absence de service était constatée sur les secondes (lignes Intercités de jour et de nuit, certains TER et Transilien) ; de ce fait, le maillage du réseau n’a plus été assuré, les usagers des grandes lignes ne disposant pas toujours de correspondance TER.
  • Des risques pour la sécurité sont apparus en raison de l’entassement des usagers sur les quais des gares (risques de chute sur les voies) et dans les véhicules (malaises).

 

La FNAUT propose un service minimum pour tous, garanti et librement consenti :

  • Négocié, car comment trouver un compromis entre droit de grève et droit de la mobilité autrement que par le dialogue et la négociation ?
  • Négocié entre les exploitants et les autorités organisatrices avec consultation des représentants des usagers, sans intervention législative.
  • Qui tienne compte des conditions de sécurité, de la densité de la fréquentation des lignes (différenciation des critères selon les lignes), qui prenne en compte le maillage du réseau et les correspondances TGV/Intercités/TER.
  • Qui impose une affectation des moyens disponibles (matériel roulant, personnel) permettant un service minimum garanti pour tous.
  • Qui n’intervienne qu’après une franchise d’une journée permettant la mesure de l’intensité du mouvement de grève.

 

Si la démarche proposée n’aboutit pas, la FNAUT, dont la vocation est de défendre les usagers, sera amenée à réclamer l’instauration d’un service minimum garanti pour tous par la voie législative.

 

Le dédommagement des usagers doit être automatique chaque fois que le service n’est pas exécuté, et être effectué selon des dispositions identiques sur tout le territoire national et privilégiant le mode de versement le plus simple pour le voyageur.

 

Grèves : un service minimum pour tous garanti et librement consenti (pdf)