Organisations représentatives des usagers (Fnaut, Fédération Européenne des Voyageurs), FNTV (Fédération nationale des transports de voyageurs), opérateurs de transports, experts des mobilités et élus lancent un appel commun face au manque de gares routières en France et demandent la mise en oeuvre d’un plan national en faveur de ces infrastructures essentielles. Pour parvenir au nécessaire « choc d’offre » dans les transports et favoriser la mobilité durable, les gares routières doivent être pensées comme des pôles multimodaux à haut niveau de service et de sécurité, sur tout le territoire, dont Paris.
Le 7 septembre 2023, la mairie de Paris annonçait la fermeture de la gare routière de Bercy Seine aux autocars longue distance (SLO, services librement organisés, dits « cars Macron »). Alors même que cette gare routière est la plus fréquentée du pays : entre 3,7 et 4,55 millions de voyageurs en 2022. Cette annonce soudaine, unilatérale et en contradiction avec les besoins de mobilité pourrait avoir des conséquences très négatives : report vers des modes de transport plus coûteux et plus polluants ; renonciation aux déplacements ; moins bonne accessibilité de la capitale pour les touristes ; etc.
Cette situation est le symptôme d’un oubli originel : en 2015, la loi a libéralisé le transport régulier de voyageurs par autocar mais n’a pas prévu la création d’un réseau national de gares routières. Dès lors, même si l’autocar est maintenant plébiscité par des millions de Français, le manque d’infrastructures empêche le développement de cette solution de mobilité partagée.
Pourtant, même s’il est parfois l’objet de critiques infondées et d’idées reçues, l’autocar est un mode de transport collectif apportant de nombreux bénéfices comme l’a souligné l’Autorité de régulation des transports. Il permet aux usagers de se déplacer partout en France à bas coûts, générant des gains socio-économiques de l’ordre de 100 millions d’euros par an. Surtout, le développement de l’autocar libéralisé a effectivement réduit les émissions de CO2.
Ce serait donc une erreur de priver des millions de Français, notamment les plus modestes, d’un moyen de transport qui repose sur l’efficience du réseau routier français, l’un des plus importants en Europe, et qui peut facilement s’adapter aux évolutions des habitudes de déplacement. Ainsi, pour garantir la pérennité de l’offre de mobilité en autocars, un plan national ambitieux en faveur des gares routières est nécessaire. Ce plan que nous appelons de nos voeux repose sur trois piliers simples :
- Création d’un “standard” s’appuyant notamment sur les travaux du Cerema pour garantir l’homogénéité du futur réseau de gares routières : emplacement en centre-ville (ou immédiate périphérie) ; multimodalité avec l’offre ferroviaire et les transports en commun ; haut niveau de sécurité, d’hygiène et de services (billetterie ; commerces ; restauration ; avitaillement ; etc.) accessibilité 24h/24 (notamment aux PMR) pour garantir l’offre de cars de nuit ; etc. Ce standard permettra de rattraper le retard français et de doter le pays d’infrastructures similaires à ce que les usagers peuvent trouver dans d’autres villes européennes (Londres, Milan, Amsterdam, Madrid).
- Mise en place d’une gouvernance repensée pour les gares routières. Jamais un aéroport ou une gare ferroviaire ne pourraient être supprimés sur simple décision d’un exécutif local. C’est pourtant le cas avec les gares routières ! Le futur plan “gares routières” devra donc prévoir une gouvernance garantissant le respect du caractère essentiel de ces infrastructures et imposant la consultation de l’ensemble des parties prenantes avant toute suppression ou déplacement. Il sera aussi nécessaire d’harmoniser le modèle économique et de garantir la transparence dans l’utilisation des sommes payées par les opérateurs de transports. Cette gouvernance pourrait être pensée à l’échelle des bassins de vie et la coordination entre intercommunalités et régions pourrait reposer sur les contrats opérationnels de mobilité prévus par la loi d’orientation des mobilités (LOM).
- Déploiement du plan au sein des territoires et mesures d’urgence pour améliorer certaines infrastructures (notamment la gare de Bercy Seine à Paris qui n’est actuellement pas « livrable » pour les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024). Le plan devra cibler des villes en France dépourvues d’infrastructures routières. Un nombre, même limité, de projets ambitieux dans des territoires volontaires permettra de faire la preuve de l’intérêt de telles infrastructures, notamment pour lutter contre l’autosolisme et améliorer l’accessibilité et l’attractivité des territoires.
Ce plan pourrait être en partie financé par l’enveloppe prévue au projet de loi de finances 2024 : entre 600 à 700 millions d’euros pour les infrastructures routières (issus du budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France) seront alloués à de nouveaux projets routiers. Une partie conséquente de ce budget devrait être dévolue au futur plan “gares routières ». Par ailleurs, la Commission européenne vient de débloquer 7 milliards d’euros pour des projets d’infrastructures dans l’Union européenne, notamment les « pôles d’échanges multimodaux de voyageurs ». Les États membres peuvent prétendre à cette dotation jusqu’au 30 janvier 2024.
Un choc d’offre en matière de transport est nécessaire. En effet, les déplacements longs de la mobilité quotidienne croissent fortement (ils sont désormais majoritaires) et pèsent de plus en plus lourdement dans les budgets des ménages modestes. En parallèle, les transporteurs routiers ont besoin de gares routière pour exercer leurs activités dans de bonnes conditions (maintenance des véhicules, avitaillement, repos des conducteurs, etc.). Ainsi, pour permettre aux Français de bénéficier d’une offre d’autocars (SLO, services conventionnés, cars express) dans de bonnes conditions, il est nécessaire de porter une ambition forte en matière d’infrastructures.
Nous appelons donc à la création et à la mise en oeuvre d’un plan national ambitieux en faveur des gares routières pour bâtir la mobilité décarbonée de demain. Un plan qui pourrait être mis en application grâce aux futurs services express régionaux métropolitains prévus par la proposition de loi du député Jean-Marc Zulesi en ce qu’ils permettraient de répondre à un besoin essentiel : la création de véritables pôles d’échanges multimodaux pour favoriser les modes de transports les plus écologiques et les mobilités partagées (train, car, covoiturage, autopartage, vélo, etc.) en complémentarité avec les transports publics. Ces pôles devront être des lieux d’avitaillement (biocarburants et recharge électrique) tout autant que des lieux de vie urbains, notamment à Paris qui ne peut pas être la seule grande capitale européenne dépourvue d’une gare routière digne de ce nom.
Cosignataires :
- Jean-Sébastien BARRAULT, Président de la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV).
- André BROTO, Auteur de Transports : les oubliés de la République, Eyrolles, 2022.
- Nicolas BRUSSON, Cofondateur et directeur général de BlaBlaCar.
- Jean COLDEFY, Président du Comité Scientifique France Mobilités et Président du think tank de l’Union routière de France.
- Bruno GAZEAU, Président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut).
- Fabienne KELLER, Députée européenne (Groupe Renew Europe).
- Jean-François LONGEOT, Président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat.
- Jean-Pierre ORFEUIL, Professeur émérite de l’Université Gustave Eiffel, Auteur de L’autocar express, une solution pour les déplacements longs de la vie quotidienne ?, La Fabrique de la Cité, 2022.
- Michel QUIDORT, Président de la Fédération Européenne des Voyageurs.
- Yvan Lefranc-Morin, directeur général du groupe FlixBus
- Jean-Marc ZULESI, Président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale.
Contact presse :
- Bruno Gazeau, Président de la Fnaut nationale, 06 76 73 31 09
- Michel Quidort, vice-président de la Fnaut, 06 12 22 35 54