Interview du groupe EBRA par Juliette Mitoyen – Des projets comme Draisy, c’est une bonne nouvelle pour la revitalisation des petites lignes ferroviaires ?
François Delétraz (FD) : « L’avantage de Draisy, c’est que c’est un train léger, ce qui permet de limiter le budget de rénovation des lignes sur lesquelles il peut circuler. Les investissements pour rénover les rails ne sont pas les mêmes lorsqu’il s’agit de faire circuler un train lourd. Draisy permettrait de faire “de la dentelle” en circulant sur les plusieurs centaines de kilomètres où les trains lourds ne peuvent plus passer à cause de l’état des infrastructures. Mais notre crainte, c’est que Draisy soit finalement de la poudre aux yeux. »
Comment ça ?
FD : « C’est très bien de faire de la recherche et du développement pour arriver à des choses comme Draisy. Mais derrière, il faut que quelqu’un l’achète réellement, l’entretienne, investisse dans le réseau notamment pour rénover les lignes. Mais qui ? Logiquement, c’est le rôle de l’État d’entretenir le réseau. Mais il le fait mal : on est le plus mauvais élève d’Europe occidentale en termes d’investissements par passager. Le retard est tel que les investissements qu’on fait aujourd’hui permettent juste de maintenir le réseau dans l’état où il est, pas de faire des progrès et d’avancer comme ils l’ont fait en Italie ou en Espagne. Donc j’attends de voir. »
Pourquoi est-ce important pour les usagers de maintenir ces petites lignes ?
FD : « D’abord pour des raisons écologiques. La décarbonation est un enjeu majeur aujourd’hui. Le seul moyen de décarboner, surtout pour les moyennes distances, c’est le train. Puis pour des raisons socio-économiques. C’est l’enjeu de la connectivité. Un certain nombre d’endroits enclavés sont très mal desservis. Or, avec des trains, les territoires sont plus ouverts sur l’extérieur. Quand vous avez une gare, un train quelque part, ça a une incidence économique sur l’endroit et donc sur les personnes qui y vivent. »
Pour fermer les lignes, l’argument avancé est souvent le faible taux de remplissage des TER qui y circulent. Que répondez-vous ?
FD : « Un certain nombre de petites lignes ont été fermées au fil du temps sans que l’on sache pourquoi. La technique habituelle de la SNCF pour dire qu’une ligne n’a pas d’intérêt, c’est de réduire l’offre, mettre des trains à des heures impossibles, et dire qu’il n’y a pas de passager. Ensuite, on se dit que ça coûterait tellement moins cher de mettre un autobus. Quand on dit que seulement 30 % des places sont occupées dans les TER, ce n’est pas à cause des heures pleines, mais des heures creuses. Pendant les heures pleines, les gens sont debout. C’est tout la problématique du TER : il est dur, sur le plan financier, de maintenir l’offre en raison des heures creuses. Mais si on veut un report modal de la voiture vers le train, on a besoin de ces TER aux heures creuses, mais aussi en soirée, après 20 heures. »
Peut-on être sûr que si des projets comme Draisy sont menés à bien et si le nombre de dessertes augmente, les passagers prendront le train ?
FD : « C’est sûr. C’est le choc de l’offre qui fait que les gens prennent le train. Quand vous avez un train par jour, vous ne transportez que des occasionnels. Quand vous avez 15 trains quotidiens, tout le monde peut le prendre, même ceux qui travaillent. Il faut aussi un prix pas trop élevé. Ce qui pose problème car il n’y a plus de carte de réduction nationale pour les TER, et les régions ne se parlent pas entre elles pour harmoniser les tarifications. Pour les passagers, c’est l’enfer. Il faudrait des tarifications communes pour pousser les gens à prendre le train. Il faudra donc une offre régulière, fiable et pas trop chère. C’est ce qui fera que les gens prendront le train plutôt que leur voiture et qu’un jour peut-être les petites lignes surnageront. »
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