
« Les réseaux sociaux se sont récemment enflammés à la suite de verbalisations rocambolesques sur le réseau SNCF. L’occasion de s’interroger sur les commissions accordées aux contrôleurs, accusées d’encourager la traque de la moindre incartade.
Vous cherchez le moindre truc pour faire payer les gens !». Matteo fulmine. Il vient d’écoper d’une amende de 110 euros «pour avoir croisé les jambes, la pointe de [son] pied ayant touché le siège d’en face», peste-t-il en filmant discrètement son échange avec la contrôleuse, diffusé sur TikTok. Une dépense imprévue qui n’arrange pas vraiment ce jeune demandeur d’emploi qui, comble de l’ironie, se rendait justement à France Travail. Julien, lui aussi, n’a «jamais vécu un tel abus de pouvoir». Le mois dernier, ce détenteur du très convoité «Grand Voyageur Le Club» – qui récompense les clients fidèles – raconte au Parisien sa mésaventure ferroviaire : une amende de 100 euros pour avoir payé son billet de TER… 10 centimes de moins. Et puis, il y a Ludivine. Photographe à Compiègne alors en route pour sa chimio à Paris, elle prend son billet une fois installée. «C’est interdit», lui assène le chef de bord, tout en la verbalisant de 50 euros. «J’ai rencontré la cruauté […] d’un contrôleur SNCF», écrit-elle le 20 juin dans un post Facebook largement relayé depuis.
Il n’en fallait pas plus à certains élus pour attraper le train de la polémique. Le 1er juillet dernier, la députée RN Caroline Colombier interpellait le gouvernement à l’Assemblée nationale sur les «abus inquiétants» de certains contrôleurs SNCF et RATP, leur «attitude rigide» et une «politique de la tolérance zéro […] nourrissant un sentiment d’injustice sociale».
Les agents sont incités à réaliser des «opé» quotidiennes
Pour un ex-RH du groupe, «il est tout à fait normal que les agents soient récompensés, pour un travail parfois difficile. Ils ne font qu’appliquer les règles». Confrontée à une fraude massive (voir encadré), la SNCF demande logiquement à ses agents – en plus de leurs trois autres missions de sécurité, sûreté et service – d’être rigoureux pour «sauvegarder les recettes». Amendes, PV, ou vente de billets : la SNCF fixe des objectifs que les contrôleurs ont intérêt à suivre, même s’ils ne sont pas stricto sensu obligatoires. Par exemple, Max, le chef de bord lyonnais, est incité à «boucler cinq à six “opé” par jour».
Avec une réglementation qui change «une à deux fois par an», selon Thomas, le moindre oubli (qu’il soit volontaire ou non), peut vite vous faire basculer du côté des fraudeurs. «Chaque sanction supplémentaire vient s’ajouter à l’imbroglio de contrôles qu’on doit déjà mener», s’exaspère-t-il. Résultat, les amendes sont inévitables :
Dès qu’il existe une réglementation très précise, la verbalisation devient logiquement plus facile, cet empilement de règles va trop loin.
affirme François Delétraz, le représentant des usagers des transports en commun. »
Article paru sur capital.fr, rédigé par Charlotte Rousset