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Quels déplacements avec la Stratégie régionale des mobilités 2030 ?

08 Mai 2021

La Stratégie Régionale des Mobilités promet des dessertes plus fréquentes, un accès élargi aux transports « alternatifs » à la voiture

  • une volonté de généralisation du passage de trains chaque heure de 6h à 20h grâce à une utilisation maxima du matériel ferroviaire : de 500 trains par jour à 800 en 2030. Des objectifs de croissance du transport public (de 8,4 % des déplacements actuellement à 12% en 2030),

  • le début très timide de « Services Express Métropolitains » avec des lignes diamétralisées et renforcées autour de 2 grandes villes, sur Savenay / Nantes / Ancenis et autour du Mans (Alençon /le Mans /Château du Loir et Laval / Nogent le Rotrou),

  • La volonté de développer le vélo (cheminements, stationnement, mise à disposition) avec des objectifs de croissance élevés (de 3 % actuellement à 12 % en 2030),

  • Le doublement de l’offre par cars, mais en partant d’une fréquence de passage en général faible,

  • une tarification harmonisée et zonale, voulant aller vers un billet unique multimodal intégrant les différents modes de transport, gage d’équité et de simplification,

  • une tarification solidaire en faveur des ménages à faible revenu, qui n’avait pas été mise en œuvre lors de la remise à plat des tarifs en 2018,

  • des efforts prolongés pour des transports publics accessibles aux personnes handicapées.

Cette fréquence à l’heure connaîtrait des accommodements : 2h entre trains pour les liaisons intervilles, souvent birégionales et donc de plus soumises à négociation entre Régions (dont Nantes / Angers /Orléans, Nantes / Quimper / Brest, Nantes / la Rochelle, la Roche-sur-Yon / Saumur / Tours), enfin des exceptions pour « contraintes techniques » ….

Si la sauvegarde des lignes ferroviaires existantes (en particulier la Roche-sur-Yon / Bressuire) serait garantie à long terme par des dessertes minima, la nécessité de renforcer la capacité de beaucoup d’axes en voie unique (dont Nantes / Pornic) , ou à double voie très chargée (Savenay / Nantes / Angers) pour y faire passer plus de trains pourrait retarder des promesses 2030.

Ce programme ne prévoit pas de matériel pour renforcer l’offre en heure de pointe ; pas sûr du tout que le télétravail écrête suffisamment le trafic de pointe, face à la croissance de la demande autour des grandes villes. L’objectif d’avoir un train chaque demie-heure en heure de pointe autour de Angers et le Mans n’est pas réellement repris pour 2030, et reste insuffisant autour de Nantes. Des circulations bien après 20 h sont aussi nécessaires autour de ces villes, pour que l’offre s’adapte à la demande de rencontres et d’utilisation des services commerciaux et de loisirs.

Les lots définis par la Région pour l’exploitation des lignes par différents opérateurs vont contraindre le développement des « Services Express Métropolitains » (liaisons diamétralisées et fréquentes ) autour de Nantes et Angers, sauf sur l’axe suivant la Loire. Comme de plus le dialogue entre Région et métropoles sur ce sujet n’a pas démarré, le risque est grand de ne pas atteindre l’objectif de la Loi d’Orientation des Mobilités : un doublement de la part modale du train en zone urbaine.

Des moyens et un mode opératoire à trouver

La mise en concurrence de l’exploitation de lignes ferroviaires, que la Région veut achever en 2032 ne devrait apporter qu’une partie des marges financières souhaitées. Le financement complémentaire envisagé par la Région suffira t’il ? La multiplication des opérateurs peut réserver des surprises et demandera aussi un renforcement du pilotage, des compétences, de la coordination, et du contrôle par la Région.

La première demande des usagers est qu’il ne doit pas avoir à s’adapter aux différents opérateurs, mais qu’il doit disposer quelque soit le lieu de la Région et le mode de transport de la même qualité d’information, des mêmes tarifs, des mêmes droits.

Quelle réponse à tous ceux éloignés du transport public et des lignes de transport ?

Il ne faudrait pas que la mise en concurrence généralisée incitant aux prix bas et au numérique aboutisse à une dégradation du service pour les moins branchés ou les plus isolés. Des clauses protectrices des différents modes d’information et de vente seront primordiales.

Après la fermeture générale de la majorité des guichets, sans solution alternative totalement satisfaisante, la Région appuiera les intercommunalités qui voudront bien lancer des points multimodaux d’information, de conseil et de vente. La FNAUT demande :

  • qu’au moins ces 35 Pôles d’Echanges Multimodaux principaux (dits « stratégiques » ou « structurants ») soient pourvus de ces points d’accès à la mobilité avec du personnel accessible et compétent, même si l’intercommunalité locale n’est pas volontaire.

  • des distributeurs de billets (ou d’autres systèmes d’information et d’achat via tablettes ou ordinateurs) dans toutes les gares et dans des lieux publics adaptés.

La majorité des habitants est éloignée de toute ligne de transport. La Région prévoit d’appuyer les projets des intercommunalités en faveur des déplacements de proximité ; covoiturage, aide aux VAE et aménagements cyclables, transport à la demande, transport solidaire, etc…La Région devra faciliter l’accès des habitants au réseau régional et encourager la complémentarité de ces actions locales avec celles du réseau Aleop TER (continuité des déplacements,…).

Il reste des axes où les transports collectifs seraient plus efficaces que la voiture individuelle ou le covoiturage

Le schéma s’appuie sur le réseau existant sans prospecter les besoins non satisfaits.

L’évaluation des besoins de liaisons moyenne distance entre petites villes, bassins de vie, PEM structurants (type Ancenis, Sablé, Clisson, Saumur…) ne peut être assurée par les intercommunalités. La création de lignes d’intérêt régional et un remaillage des lignes de cars ex-départementales, trop souvent limitées aux limites du département, sont nécessaires.

La Région est pénalisée par la fermeture ancienne de lignes structurantes (comme Nantes / Cholet / Poitiers). La Région doit préserver l’avenir en protégeant les emprises disponibles et en faisant le point de leur potentiel. La réouverture de Cholet / les Herbiers est esquissée. L’étude de la virgule de Savenay demandée par le Port devrait aussi être l’occasion de recréer la liaison St Nazaire / Rennes, donnant une alternative aux automobilistes et un atout supplémentaire à l’agglomération nazairienne dans une passe difficile ; sans attendre la réalisation de la ligne rapide Rennes / Redon.

Pour les liaisons à longue distance, la Région soutient avec raison la connexion Sud en Région parisienne (pour l’accès à Orly et le passage des TGV intersecteurs vers Lille, Strasbourg, Lyon). D’autres projets sont à soutenir quand ils offrent une alternative à la voiture ou à l’avion, à condition de ne pas concurrencer les TER régionaux ou les Intercités : relance des trains de nuit vers le sud ou l’est (Lyon), nouvelles offres de jour vers Toulouse, Rouen, ou Lille par un itinéraire proche de la façade de la Manche, etc….

Des objectifs affichés de diminution des GES, mais une cohérence des actions qui pose problème et un impact des actions à chiffrer

L’accent est mis sur les nouvelles énergies (bio GNV, électricité, hydrogène), évidemment souhaitables pour le transport public. Rappelons que cela ne changera quasiment rien au bilan carbone des transports, le transport public ayant une responsabilité très faible dans les émissions du secteur, d’autant que 80 % des voyageurs du TER sont déjà sous traction électrique.Les trains électriques mixtes ( alimentation aérienne / batterie) sont une bonne solution quand le kilométrage non électrifié est limité. Dans d’autres cas, les trains à hydrogène peuvent être envisagés à condition que leur alimentation soit réellement verte et que leur coût d’investissement et de fonctionnement reste raisonnable et ne pénalise pas l’augmentation de l’offre.

L’amélioration du bilan carbone transport de la Région nécessite bien de limiter les déplacements par des politiques d’aménagement (ce qu’envisage la Région sans détailler les programmes), et d’attirer les automobilistes vers le vélo ou vers le TC, ce qui nécessite des services plus fréquents. Le Schéma s’engage donc vers une intermodalité cohérente : le train, et parfois le car pour les liaisons structurantes, plus de car et de vélo pour la proximité.

La FNAUT souhaite que la Région continue aussi à soutenir les lignes structurantes du transport urbain, efficaces dans les agglomérations pour modifier les comportements.

Le Schéma esquisse un cadrage de l’impact d’une nouvelle répartition modale dans les émissions du secteur, pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Il n’y a pas d’indication des baisses annuelles d’émission nécessaires pour y arriver, et de l’apport de chaque action à ce résultat. Ceci demande à être précisé, affiné et suivi.

Une baisse des émissions et du trafic automobile est d’autant moins évidente qu’on veut encore développer les voies rapides routières, en particulier autour de Nantes, zone la plus dynamique :

  • « fluidification » du périphérique nantais (passage à 3 voies, et encore plus de pollution pour les riverains ?)

  • choix de terminer la mise à 2 voies de Nantes Pornic, au lieu de renforcer la desserte ferroviaire parallèle remise à plus tard.

  • réalisation d’un anneau routier rapide autour de Nantes (Blain / Ancenis / Clisson / St Philbert de Grandlieu), axes toujours sans desserte transport en commun.

Une desserte cadencée par car pour satisfaire une partie des automobilistes, un Service Express Métropolitain utilisant l’étoile ferroviaire autour de Nantes (reporté en fait bien après 2030) devraient être prioritaires et assureraient une partie des déplacements de périphérie à périphérie.

Idem pour le Sud Vendée, où l’intérêt de réaliser des voies routières rapides (Luçon / Fontenay et Fontenay / Rochefort) est à questionner : la double voie ferroviaire la Roche-sur-Yon / la Rochelle que l’on remet en état et qui traverse le pays de Fontenay, une réorganisation des lignes de bus permettraient un transfert modal important et des liaisons plus économiques pour les habitants.

La FNAUT s’interroge donc sur la cohérence et la mise en œuvre de cette stratégie par rapport aux objectifs affichés, déjà trop modestes autour des grandes villes. Les moyens en compétence et les moyens financiers seront-ils à la hauteur ? Le matériel sera t’il suffisant en heure de pointe ? Pourra t’on améliorer suffisamment les débits des voies ferrées dans ce délai (8 ans d’ici 2030) ?

La FNAUT souhaite aussi être informé plus en amont des projets pour donner son avis quand il est encore temps. Les usagers veulent aussi avoir accès aux informations d’intérêt public, comme les enquêtes de mobilité, les conventions avec les opérateurs y compris les annexes non d’intérêt commercial, le bilan annuel des avis usagers ContribuTER et autres plate-formes d’échanges et de réclamations, etc…